Le lundi 19 avril, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a présenté le nouveau budget fédéral. Il s’agit d’un document volumineux de 864 pages avec certaines avancées pour les francophones en milieux minoritaires qui restent à concrétiser.
«On voit ce budget d’un bon œil, le gouvernement fédéral semble avoir pris en compte nos recommandations», partage Louise Imbeault, présidente de la Société nationale de l’Acadie (SNA), en réaction à la présentation du budget fédéral, lundi 19 avril. «On a été entendu sur tous les plans, on est agréablement surpris», abonde Lynn Brouillette, présidente de l’association qui représente les établissements d’enseignement secondaire francophones hors Québec (ACUFC). «Le fédéral reconnaît officiellement son rôle pour assurer la vitalité des communautés francophones en milieu minoritaire, c’est une bonne chose, ça nous permettra de rendre le gouvernement redevable si besoin», observe de son côté Isabelle Dasylva-Gill, directrice générale de la Société acadienne et francophone de l’Î.-P.-É. (SAF’Île).
Isabelle Dasylva-Gill, directrice générale de la Société acadienne et francophone de l’Î.-P.-É., se montre prudente et attend de voir les retombées concrètes pour l’Île. (Photo : Laurent Rigaux)
L’ensemble des acteurs francophones interrogés notent une volonté du gouvernement fédéral de promouvoir et de protéger le français partout au pays. «C’est une bonne conjoncture, les autorités veulent relancer l’économie tout en répondant à des objectifs d’enseignement en français», se réjouit Louise Imbeault qui salue entre autres l’annonce de la mise sur pied d’un programme national de garderie à 10 dollars par jour d’ici à 2026.
Postsecondaire, «tout le monde doit mettre la main à la pâte»
Concernant la Loi sur les langues officielles, le budget annonce qu’un financement de 6,4 millions de dollars sur deux ans est envisagé pour sa modernisation. Si le but de ce montant n’est pas précisé, «c’est de bon augure», selon Louise Imbeault. «On ne sait pas quand la loi sera votée, mais l’argent est là pour faire avancer le texte à tous les niveaux et pour appuyer certains des engagements du livre blanc», affirme-t-elle. La ministre Mélanie Joly veut ainsi investir 180,4 millions de dollars sur trois ans pour les programmes d’immersion française.
Louise Imbeault, présidente de la Société nationale de l’Acadie, porte un regard positif sur le budget fédéral. (Photo : Gracieuseté)
Un financement de plus de 121 millions de dollars sur trois ans est quant à lui destiné au secteur de l’éducation postsecondaire dans la langue de la minorité. Lynn Brouillette se dit enchantée : «Le gouvernement a compris que pour développer nos communautés francophones en situation minoritaire, il nous faut des universités et des collèges forts».
Est-ce suffisant pour sauver un secteur qui souffre partout au Canada? «C’est un bon signal, mais on va suivre de près la mise en œuvre, les critères d’éligibilité des fonds», réagit Lynn Brouillette. Et de reconnaître : «Plus globalement, il faut une réflexion de fond pour revoir la formule de financement du postsecondaire, ça ne fonctionne plus». Pour le moment, la présidente de l’ACUFC, mais aussi Louise Imbeault, appellent les provinces à prendre leurs responsabilités. «Tout le monde doit mettre la main à la pâte, les provinces doivent soutenir les efforts financiers du fédéral, ça relève aussi de leur juridiction», plaide la présidente de la SNA.
De l’argent du fédéral pour la nouvelle École Évangéline?
Plus de 80 millions de dollars sur deux ans sont par ailleurs réservés dans le budget à la construction, à la rénovation et au développement des espaces éducatifs et communautaires dans les milieux linguistiques minoritaires. «C’est significatif, on réclamait cet argent depuis plusieurs années, car nos écoles et centres communautaires sont devenus trop petits», explique Louise Imbeault. À l’Î.-P.-É., François Rouleau, directeur général de La Commission scolaire de langue française, espère qu’une partie de ces fonds seront alloués à la construction de la nouvelle école Évangéline. «Le gouvernement fédéral avait fait part de son intérêt, cette enveloppe pourrait concrétiser les choses», avance le directeur qui se félicite qu’Ottawa soit à l’écoute des besoins grandissants du système éducatif francophone.
Alors que les emplois dans le secteur des arts, de la culture et des loisirs ont diminué de 35 % entre février 2020 et février 2021, Ottawa veut également fournir 300 millions $ sur deux ans pour la création d’un fonds de relance. «C’est une bonne chose, car la COVID-19 a fait beaucoup de mal aux artistes», rappelle Louise Imbeault. Le budget prévoit aussi d’accorder à Patrimoine canadien des fonds pour appuyer les festivals des arts de la scène, les évènements culturels communautaires ainsi que les célébrations et les commémorations. «C’est une excellente nouvelle pour les célébrations du 15 août, on ne connaît pas encore les détails, mais les villages pourront participer à la fête de l’Acadie, la grande manifestation populaire aura bien lieu», apprécie la présidente de la SNA.
Une vision qui reste à concrétiser
Si les acteurs de la francophonie en milieu minoritaire se montrent optimistes, ils restent néanmoins prudents. «Il faut encore que ces sommes soient effectivement versées, car il s’agit souvent d’engagements sur deux, trois ou cinq ans, souligne Louise Imbeault. Beaucoup de choses peuvent se produire d’ici là, des élections par exemple, et un autre gouvernement pourrait revenir sur ces engagements.» Isabelle Dasylva-Gill, elle, attend de voir les retombées concrètes pour l’Île : «Sur le papier, c’est positif, ce sont de belles intentions, mais ça reste une vision à concrétiser». Quels pourcentages de ces fonds bénéficieront aux organismes insulaires? Quand cet argent sera-t-il disponible? Autant de questions qui restent en suspens.
Lynn Brouillette, présidente de l’association qui représente les établissements d’enseignement secondaire francophones hors Québec, salue les sommes allouées à l’enseignement postsecondaire dans la langue minoritaire. (Photo : Gracieuseté)