Santé
16 février 2024 Par Jacinthe Laforest / IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne – ATL
Le docteur Trevor Jain, urgentologue à l’hôpital Queen Elizabeth, rappelle que la congestion aux urgences n’est pas causée par les patients qui y entrent, mais par les patients qui ne peuvent pas en sortir, à cause du manque de place et de personnel pour les prendre en charge. Il a comparu en janvier dernier devant le Comité permanent de l’Assemblée législative sur la santé et le développement social. (Photo : J.L.)

Les salles d’urgence à l’Île-du-Prince-Édouard sont bondées.  Les temps d’attente atteignent facilement la dizaine d’heures.  Un pourcentage significatif de personnes malades se découragent et repartent avant d’être vues.  On pourrait penser que la situation est causée par le trop grand nombre de patients qui y viennent.  Ce n’est pas l’opinion de l’urgentiste Trevor Jain de l’hôpital Queen Elizabeth à Charlottetown. 

Pour le docteur Trevor Jain, une salle d’urgence est au système de santé ce que le canari est à la mine.  Lorsque tous les éléments du système de santé fonctionnent comme ils devraient, les salles d’urgence peuvent être occupées, sans que cela cause des retards dans les traitements. 

«Le problème n’est pas qu’il y ait trop de monde qui se présente aux urgences.  Le problème c’est qu’il n’y a pas assez de personnes qui en sortent.  Nous n’avons pas la capacité de traiter toutes les personnes, par manque de lits, manque de personnel.  Pour transférer un patient très malade et intubé en ambulance, il ne suffit pas de le mettre dans le véhicule.  Il doit être accompagné de personnel qualifié pendant le transport.  Ce n’est pas simple à organiser», a précisé le docteur Trevor Jain, urgentiste à QEH lors de sa comparution devant le Comité permanent de l’Assemblée législative sur la santé et le développement social à la fin du mois de janvier 2024.  

Chaque composante du système de santé est reliée aux autres et chaque établissement a son importance.  «Nous ne pouvons pas être “Une île, un hôpital“.  Chaque fois que nous fermons un service d’urgence dans un de nos hôpitaux, ça crée de la pression sur les autres points de service.  On ne peut pas dire aux gens de ne pas aller aux urgences.  Ils n’ont nulle part où aller s’ils ont besoin de soin», dit le médecin.

Les professionnels de la santé qui parlent en public à des audiences comme celles du Comité doivent toujours clairement indiquer au nom de qui ils parlent, sous peine d’être réprimandés.  Le Dr Jain s’est présenté à titre de représentant de l’Association canadienne des médecins d’urgence.  Les prédictions de cette association sont qu’en 2030, il manquera jusqu’à 2 500 médecins urgentistes dans les salles d’urgence au Canada.  

La médecine d’urgence est une spécialité qui demande une formation incluant 28 000 heures de travail supervisé dans une salle d’urgence. On ne peut pas, dit le Dr Jain, prendre une infirmière d’un autre service et la placer aux urgences.  «Les infirmières d’urgence valent leur poids en or», a-t-il ajouté.

Pour aider à réduire les temps d’attente aux urgences, le Dr Jain voit trois actions qui pourraient aider : 

1- Créer de l’espace et ajouter du personnel.  Un lit dans un hôpital n’est pas un simple meuble.  

2- Imputabilité aux niveaux décisionnels; 

3- Réduire la chaîne d’autorité à deux ou trois niveaux, au maximum, au lieu des six ou sept actuels, pour que les décisions se prennent plus rapidement et plus efficacement.  

Malgré que la sonnette d’alarme ait été tirée il y a déjà plusieurs années sur l’état du système de santé, le Dr Jain assure qu’il n’a vu aucune action tactique de la part des décideurs et des autorités présumés responsables pour régler la situation.  

Il encourage aussi l’Île-du-Prince-Édouard à jouer un rôle de leader au pays en amorçant un réel dialogue avec l’Association canadienne des médecins d’urgence, d’autant plus qu’en octobre 2023, l’organisme a rencontré les ministres de la santé de tout le pays réunis à Charlottetown pour leur conférence annuelle. 

Abonnez-vous à La Voix acadienne pour recevoir votre copie électronique ou la version papier

Santé